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Les Victorieux Silencieux

Par Dr Yves Boissonnière

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Photo Google


Les victorieux sont souvent silencieux.

Pas de bruit.

Pas de tapage.

Pas de tempête médiatique.


Ils avancent calmement, comme à leur habitude, dans les couloirs, dans les vestiaires, dans les aéroports. Sans fracas, ils tentent encore de comprendre comment leur travail a pu mener l’équipe nationale à la victoire finale, cette victoire qui nous ouvre les portes du Mondial 2026.


Ces victorieux discrets, ce sont les membres du Comité de Normalisation de la Fédération Haïtienne de Football.

Eux aussi se sont battus.

Eux aussi ont porté ce projet jusqu’au bout.

Et pourtant, ils ont peur.


Peur de quoi ?

Peur de qui ?

Des internautes ?

Des détracteurs qui, pendant tout le processus, les ont fustigés, malmenés, critiqués sans relâche ?

Les critiques, certes, peuvent faire avancer les causes. Nazon pourrait vous en dire long. Mais si Mme Monique André, Monsieur Macénat, Monsieur Carlo Marcelin, et tant d’autres avaient abandonné au milieu du chemin, où en serions-nous aujourd’hui ?

Que serait-il advenu de la sélection haïtienne ?


Cette question mérite d’être posée. Mieux encore, elle mérite une réponse.


Nous devons aussi inverser notre analyse : que n’ont-ils pas fait pour nous mener à la victoire ?

Les choix étaient difficiles. Convaincre des joueurs d’origine haïtienne évoluant à l’étranger de représenter Haïti n’a rien d’évident. Le quotidien haïtien, l’image du pays en 2025, tout cela pèse lourd dans une décision.


Ils ont pourtant réussi.

Ils ont discuté avec les joueurs, avec leurs parents, ils ont expliqué les avantages, assumé les limites, présenté le projet. Ce travail de conviction n’a pas dû être simple.


Puis sont venus les moments critiques : après une défaite, presque une débâcle, en pleine préparation, ils ont pris la décision courageuse de limoger un entraîneur. Ils en ont appelé un autre, celui sur qui ils pensaient pouvoir compter. Une décision audacieuse. Un coup de maître.

Ils ont trouvé l’entraîneur idéal au moment où il le fallait.


Et c’est ainsi que, gardiens de notre révolution footballistique, ils nous ont conduits là où personne n’osait croire que nous retournerions : au Mondial. Avec un effectif en lequel bien peu avaient confiance. Et pourtant… ils étaient là. Toujours là. Dans les vestiaires, dans les couloirs, dans l’esprit des joueurs.


Encadrer.

C’est le mot magique.

Autrefois, les critiques pleuvaient : les joueurs se plaignaient constamment du manque d’encadrement. Mais un athlète de haut niveau, qui s’apprête à représenter son pays, doit être encadré, choyé, protégé.


Une chambre d’hôtel correcte.

Des transports organisés.

Des billets achetés à temps.

Des repas prêts lorsqu’il le faut.


Ce sont ces “petits détails” qui changent tout.

Un joueur coincé dans un aéroport, dans une station de bus, devant un hôtel fermé… une telle maladresse peut faire basculer un match, une préparation, une dynamique.

Régler ces détails, c’est déjà transformer une équipe.


Nous devons aussi parler de leurs relations : avec les joueurs, avec l’entraîneur, avec le staff technique. Tous doivent se sentir accompagnés. Tous doivent se sentir encadrés.


Ce travail de l’ombre du Comité de Normalisation a porté ses fruits.

La victoire n’appartient pas à un seul joueur.

Elle n’appartient pas à vingt-trois joueurs.

Elle n’appartient pas qu’à l’équipe sur le terrain. Elle appartient aussi à l’équipe en dehors du terrain, celle qui attend depuis cinquante-deux ans.


Nous avons traversé des périodes sombres. Nous avons essayé divers dirigeants, bons ou moins bons. Nous avons limogé, critiqué, parfois injustement humilié. Pendant cinquante-deux ans, la victoire nous a échappé.


Mais aujourd’hui, nous y sommes.

Et si nous y sommes, c’est aussi parce que ces femmes et ces hommes ont accepté les sacrifices, les insultes, les attaques de personnes qui ne comprennent rien à l’administration du football. Car le ballon rond n’est que le dernier élément à considérer.


Derrière ce ballon, pour qu’il roule, il faut des dirigeants.

Il faut une fédération qui fonctionne, malgré les doutes, malgré les obstacles.

Passer une journée, une semaine, un mois à leurs côtés permettrait de comprendre la complexité de diriger une équipe, d’unir des joueurs de tempéraments différents, parlant différentes langues, mais tous rassemblés sous le bleu et rouge.


Ils l’ont fait.

Et nous devons leur rendre hommage.


Si nous ne le faisons pas, ce serait une faute morale.

Un manquement grave.

Nous devons apprendre à féliciter nos compatriotes lorsqu’ils accomplissent leurs tâches, lorsqu’ils vont au-delà de leurs obligations. Leur mission était de préparer l’équipe. Pas nécessairement de nous qualifier.

Et pourtant, ils l’ont fait. Dans un pays à genoux.

Un pays atè plat.


Alors félicitations, Mesdames et Messieurs du Comité de Normalisation.

Nous n’oublierons jamais votre sacrifice.


Nous avons félicité les joueurs, l’entraîneur, et nous continuerons.

Mais aujourd’hui, nous saluons aussi les victorieux silencieux.


Félicitations.


Dr Yves Boissonnière


 
 
 

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